Ce fut le retour...

Jeudi soir, nous avons retrouvé à Conques, Gérard et Christine ainsi que Catherine (mon épouse) venus nous chercher pour nous ramener vendredi à Corbas. La soirée a été marquée, après le repas partagé à l'abbaye à quinze, par le concert dans l'abbatiale après la présentation du tympan par frère Jean-Daniel. Concert d'orgue (pas que religieux, nous avons eu droit aux "portes du pénitencier") que nous avons écouté depuis la galerie, déambulant à la hauteur des chapiteaux et dominant l'intérieur de ce magnifique édifice. Un moment propice à la réflexion pour recueillir tout ce qui a été vécu depuis le début de la marche en vue du débriefing final du lendemain matin. Les frères prémontrés, qui nous ont "invités" pour ce dernier soir (merci à eux pour leur générosité !) ont mis à notre disposition une salle pour le vendredi matin afin de pouvoir faire sereinement ce débriefing global de notre aventure. Des choses fortes avaient déjà été partagées la veille au soir, elles ont été redites ou complétées par d'autres : "difficile d’exprimer toute l’émotion ressentie au long de cette marche, toutes les choses bonnes qui se sont passées en peu de temps !" "On va laisser au régime le loup de la haine et de la rancœur" (allusion au conte cherokee lu quelques jours plus tôt). "Je suis redevenu un humain. Avant de sortir j’étais perdu dans ce que j’étais." "C’est l’humanité que je n’avais pas vu autant depuis longtemps et ça m’a redonné envie de croire en l’humain, je ne croyais plus en l’humain. Ce qu’on a vécu en groupe, ça m’a réappris à vouloir partager, à vouloir aider." "Ce chemin à votre contact m’a ébranlé. C’est un peu comme un chamboule tout. C’est un peu comme si j’avais une maison en paille qui a été soufflée et il ne reste que les fondations… Ce chemin casse les habitudes, met au contact d’une autre réalité qui m’a profondément touché. Je ne sais pas ce qui va se passer. Pour une fois, je ne sais pas, je ne prévois rien." "J’ai rencontré des personnes magnifiques, je ne savais pas que j’avais une deuxième mère, cela a été une expérience très enrichissante et je ne sais pas comment vous le rendre un jour, je me sens redevable envers vous parce que vous m’avez fait découvrir des sentiments qu’on ne pensait pas..." "A un moment donné on a tous été accompagnants et tous on a été accompagnés à un moment. Je suis très content d’avoir terminé ce chemin avec vous. On a vraiment vécu la fraternité pendant ces douze jours." 

Le retour est toujours violent. La pluie nous a accompagnés tout au long de la route comme si le ciel se mettait à l'unisson de nos cœurs. Juste une accalmie à Massiac le temps de pique-niquer et elle a repris pour nous inciter à reprendre la route. Elle a cessé en approchant de Lyon pour pouvoir faire l'inventaire des sacs et nous dire au-revoir dans de bonne conditions.

Je les ai accompagnés au greffe et attendu avec eux plus d'une heure avant qu'on les réintègre dans les bâtiments. C'est chaque année dur de se retrouver ainsi eux dans une cage, moi dans le couloir devant, après avoir partagé pendant douze jours une expérience si forte, mais c'est important aussi de les accompagner jusque là, de ne pas les lâcher à l'entrée, d'assurer avec eux la transition. Plaise à Dieu maintenant (et à ceux qui en décideront) que ce qui a été semé là porte du fruit et que chacun puisse sortir assez vite pour que le bénéfice de cette aventure ne soit pas trop abîmé par la détention... Sur le parking, nous avons chanté tous ensemble le refrain de notre marche: va plus loin, même si tu te crois arrivé, va plus loin, le voyage est à peine commencé et la route est encore longue vers la fraternité et l'horizon de l'amitié. La fraternité, nous y avons goûté à travers cette expérience hors du commun, au-delà de ce que nous aurions imaginé les uns et les autres, nous nous sommes laissé surprendre, nous l'avons accueillie comme un cadeau. L'horizon de l'amitié se profile à la sortie pour qui voudra, car les liens tissés là pourront aussi aller plus loin, selon le désir de chacun...